dimanche 8 février 2009

Ce matin , j'ai décidé d'arrêter de manger , Justine


Justine est l'aînée d'une famille de trois enfants. Elle vit donc avec ses parents, et ses deux sœurs, Clotilde, 12 ans et Jeanne, 2 ans. Justine est une pré-adolescente de quatorze ans sérieuse et consciencieuse : « Fille aînée de la famille, je suis bien élevée, polie, respectueuse, première de la classe. » Cependant, Justine est mal dans sa peau, pesant alors 76kg pour 1m73. En 2003, les moqueries de ses camarades de classe, les réflexions continuelles de ses parents l'anéantissent et l'humilient : « Justine, arrête de t'empiffrer, tu deviens une grosse vache. » C'est l'une des raisons pour lesquelles elle décide d'entreprendre un régime. Son objectif ? « Etre belle, élégante, à l'aise dans ma peau, pour pouvoir croiser le regard des garçons avec désinvolture, dans un pantalon taille 38. » Ses parents, pessimiste et moqueurs, n'y croient pas une seconde : « Mais oui, bien sûr. On verra dans une semaine. » Cette réflexion a provoqué chez un défi à relever. Hors, la seule personne se montrant compréhensive de son mal-être, son seul et unique réconfort est sa grand-mère. Ancienne top model maintenant obèse, elle seule est consciente du danger des réflexions et les répercussions qu'elles peuvent avoir sur Justine. Seulement, Justine est bel et bien décidée : elle maigrira.Deux mois après le début de son régime, Justine a déjà perdu 10 kg. Elle est déterminée et obstinée à prouver à son entourage qu'elle peut réussir : « Plus on se moque de moi, plus je tiens le coup. » Lors des repas familiaux du soir, elle se force à manger de peur d'inquiéter ses parents, mais ne consomme absolument rien le midi, au self de son collège.Au fur et à mesure, des rituels apparaissent, elle devient excessivement maniaque : « Rituels ? pour moi, ce ne sont que des habitudes. Avoir mes propres couverts – toujours les mêmes - , ranger la nourriture par catégorie. ». Sa mère s'inquiète de sa soudaine transformation physique et lui affirme qu'elle souffre d'anorexie. Seulement, à l'époque, Justine confond anorexie et boulimie, elle ne se considère donc pas comme malade. Pour elle, il s'agit simplement d'un régime. Lorsqu'elle atteint le seuil des 60 kg, Justine inquiète même ses professeurs de Sciences et Vie de la Terre et de Mathématique : « Ca ne va vraiment pas, regarde-toi, tu es toute maigre, tu n'as plus ce côté pétillant, tu n'es plus joyeuse. » Justine maigrit donc, parvient peu à peu à avoir le corps qu'elle désire, mais ne parvient pas à être heureuse, car éternellement insatisfaite. En effet, elle se fixe un objectif de poids, qu'elle ne respecte pas, emportée dans une sorte de spirale infernale : « Encore un ou deux kilos, je n'ai pas atteint mon objectif. Mais lorsque l'objectif est atteint, ça ne me convient toujours pas. »De plus en plus inquiète, sa mère prend la décision de l'amener en consultation à l'hôpital devant un nutritionniste, un vrai spécialise de l'anorexie. Lorsque celui-ci lui affirme qu'elle souffre de cette maladie, Justine nie catégoriquement : « Je ne suis PAS malade, je fais un régime, c'est tout. », « Je hais cet homme qui me balance à la figure une horreur pareille. Ma première claque. Anorexique, je ne voulais pas l'entendre. » Ainsi, Justine ne peut pas, ou plutôt ne veut pas admettre la vérité. Le médecin lui prescrit un régime équilibré que Justine refuse de suivre. Lors de la seconde consultation, le 12 avril 2004, elle boit une énorme quantité d'eau afin de peser plus lourd sur la balance, trompant ainsi son nutritionniste.Peu à peu, Justine commence à songer à l'idée qu'il se peut qu'elle soit malade et perd confiance en elle ce qui se traduit par un ton beaucoup moins catégorique : « Et si je ne pouvais plus m'arrêter ? »Malgré le fait qu'elle se trouve belle physiquement, Justine va très mal mentalement : « Je me trouve mince, élancée, pas un poil de graisse. Mais, bizarrement, triste à mourir alors que je devrais sauter de joie. » Cependant, elle reste fidèle au défi qu'elle s'est lancée et ne compte pas baisser les bras : « Une sorte de guerre intime que j'ai déclaré et dont je veux sortir victorieuse. » Ce combat contre elle-même est très dur, et Justine fait preuve d'une grande volonté pour ne pas céder à la tentation : « La nuit, je rêve de LA nourriture, de toutes les nourritures [...] De vrais rêves de Justine au pays des merveilles de la bouffe. Je suis une affamée volontaire qui ne mange qu'en rêve. »Un an et demi plus tard, Justine a 16 ans et pèse alors 49kg. Sa maladie lui fait perdre sa meilleure amie, cette dernière étant incapable de la comprendre. Alors, Justine se sent seule et abandonnée, livrée à elle-même. L'élève studieuse d'auparavant a laissé place à une élève en difficultés scolaires : « Mon niveau baisse, je le sais. Je sais pertinemment que cette baisse est due à l'omniprésence de la maladie. » La maladie a donc prit le contrôle de sa vie et la solitude de Justine la ronge. Elle ne se sent plus apte à lutter contre son mal toute seule : « Je n'arrive plus à lutter toute seule, il faut que quelqu'un m'aide. Quarante-cinq kilos pour 1,77m. » La mère de Justine va alors lui faire consulter un psycholoque. Cette dernière comprendra, saura gagner la confiance et se faire apprécier de la jeune fille. Grâce à elle, Justine reprend espoir et se dit même sur la voie de la guérison : « Je vais guérir, c'est le début de la fin de la maladie. » Justine pense avoir « un petit diable » dans sa tête qui lui fait faire tout le contraire de ce qu'elle veut. Sous les conseils de sa psychologue, elle le matérialisera plus tard sous la forme d'un serpent : « Le serpent est mon ennemi, je ne supporte même pas d'en voir un en photo, ou à la télévision. » Par la suite, elle s'achètera même un serpent en peluche afin de laisser éclater toute sa colère et sa rage sur lui. Justine est déscolarisée pour une période de huit mois. Durant celle-ci, toute une équipe la suit : diététicienne, professeur nutritionniste ainsi que psychologue. Cette dernière va quitter Justine en avril pour s'installer à Paris, c'est un nouvel abandon pour Justine. Une fois de plus, elle perd ses repères. Une après-midi, alors qu'elle est seule chez elle Justine prend conscience qu'elle risque la mort à tout instant lorsqu'elle frôle l'arrêt cardiaque.A la fin du mois de juin 2005, alors que son médecin constate que Justine continue de maigrir, il envisage de lui poser une sonde naso-gastrique. Celle-ci est forcée d'accepter, à contre-cœur : « Le 27 juin 2005, la fameuse sonde arrive dans ma vie. Quelle épreuve ! » Comme pour le serpent, elle personnalise cette sonde en la nommant Gastounet : « Je déteste Gastounet car il me gave et me fait grossir. Je prends vite le pli du refus, et je vide mes poches dans les lavabos ou dans les toilettes, en l'insultant gravement et en silence. »Les conséquences physique de la maladie désespèrent Justine, cependant, l'envie de maigrir passe avant : « Mes seins et mes cheveux sont morts. Je n'ai plus rien de féminin, ni fille ni garçon, un être indéfini. » ; « Mal aux os, mal aux cheveux, mal aux dents qui se déchaussent avec une vilaine gingivite. »Lors des vacances d'été, Justine souffre de crises. Elle appelle celles-ci des « délires alimentaires » face auxquelles elle ne peut pas résister. Ainsi, elle entre dans le cycle des troubles du comportement alimentaire (Les TCA recouvrent l'anorexie mentale, l'anorexie vomitive ainsi que la boulimie non vomitive). Grâce à sa sonde naso-gastrique et à ses crises obsessionnelles, Justine reprend 10 kg en seulement deux mois. Elle décide alors de créer un blog sur Internet (www.youstinette.skyblog.com), « Une sorte de journal intime interactif pour y parler presque uniquement de cette maladie, me défouler. » Justine se sent alors soutenue, puisqu'elle reçoit chaque jour un nombre important d'encouragements.Pour que Justine apprenne à dominer ses crises, elle va entrer à l'hôpital. La veille de son entrée, est soumise à un comportement cleptomane dans une bijouterie : « J'agis réellement comme un automate, sans aucune précaution. Je prends le petit panier à l'entrée, un genre de sac en résille transparent et je le remplis sans compter, sans choisir. » Même en prenant du recul, cet événement a traumatisé Justine. Elle en parle honteusement, comme ci les faits venaient de se produire : « J'ai beaucoup de mal maintenant à revivre cet évènement, humiliant pour moi et mes parents. »Justine a prit 18kg depuis le mois de juin, elle pèse maintenant 58kg et continue de tenir son blog à jour. Celui-ci est une façon pour elle d'extériorises ses démons, de partager sa douleur avec bons nombres de jeunes filles dans son cas, ce qui lui permet de se sentir comprise et moins seule. Ce blog se révèle donc être une véritable thérapie qui lui permet de prendre du recul par rapport à sa propre image : « La photo que j'ai prise m'a fait comprendre combien ma vision est déformée : dans un miroir, je me vois plus grosse que je ne le suis, alors que cette photo reflète ma maigreur, l'exacte vérité. »Justine entre à l'hôpital le 1er septembre pour sept semaines. Elle partage sa chambre avec Cécile, une jeune maman de trente-trois ans venant du Jura suivie pour anorexie-boulimie et potomanie. Ces dernières deviennent peu à peu intimes et parlent essentiellement de leurs compulsions respectives. Justine sortira de l'hôpital huit semaines après Cécile et continuera malgré tout à garder contact avec la jeune femme. La réaction de Justine est brutale lorsqu'elle apprend que son ex camarade de chambre est décédée d'un arrêt cardiaque due à une chute de potassium. Justine le vit très mal et culpabilise : « Je suis en colère. J'aurai dû... je ne sais pas... parler à sa mère, intervenir, faire quelque chose... » Ce décès s'avèrera par la suite être une véritable force pour Justine qui sera décider à guérir pour elles deux.Lorsque Justine rentre chez elle, on lui retire sa sonde. Elle pèse alors 65kg : « Tout mon « travail » d'anorexie mentale de deux ans s'envole. » Justine déprime malgré les antidépresseurs et autres tranquillisants et angoisse à l'idée de retourner à l'école. Là-bas, Justine ne s'est jamais sentie aussi délaissée ce qui n'améliore pas ses crises : « Mais la solitude est dure, sans personne à qui parler entre midi et quatorze heures, toute seule, je n'avais qu'une solution pour me défouler : la boulangerie à cent mètres du lycée.De retour chez elle, Justine découvre l'existence de sites tels que « Pro-ana » ou « Thin-insipration ». Ceci ont pour objectif d'inciter à la maigreur en glorifiant celle-ci, ce qui révolte Justine. En effet, l'anorexie n'est pas un mode de vie mais bel et bien une maladie.En décembre, sa mère constate la nouvelle période de Justine : « Tu es devenue véritablement boulimique. » En effet, Justine multiplie les crises. Celles-ci vont diminuer lors des vacances d'été. Elle se sent revivre, proche de l'extase : « Vingt-cinq jours d'absence de crise me propulsent au paradis [...] Je suis heureuse, amoureuse de la vie, je me sens si vivante. »Aux dernières pages de son autobiographie, Justine nous dévoile les racines de son mal, les origines probables de sa maladie. La prise de conscience de son vieillissement en fait partie : « Douze ans, ça représentait au moins le milieu de ma vie. J'avais vécu mes plus belles années, plus rien ne serait comparable à ce passé. » Celui-ci s'accentue avec l'arrivée de sa dernière petite sœur. Cette dernière s'est vue prendre la chambre de Justine qui a été reléguée au sous-sol, une période difficile, presque traumatisante pour Justine qui se sent alors rejeté du cercle familial : « J'étais coupé du reste de la famille. Ils étaient seulement au-dessus, mais à l'opposé de la maison . » De plus, Justine, passionnée de cyclisme a très mal vécu la décision de son père d'arrêter ce sport. Ces dimanches de bonheur et de courses lui manquent et lui prouvent, une fois de plus, que les temps changent en grandissant. En outre, elle accuse la société qui a joué un rôle important dans la naissance de sa maladie : « Et j'en veux aux magazines qui ne montrent que des silhouettes filiformes. J'en veux aux boutiques ayant pignon sur rue dans toute l'Europe de ne proposer que des tailles 34,36, à la rigueur 38... J'en veux à tous ces fous de régime qui proposent, moyennant finances, la panoplie de l'amaigrissement sans effort. Aux articles récurrents sur la nécessité de maigrir quand vient l'été. J'en veux à cette mode qui impose le nombril à l'air, le string qui dépasse, et 45 kg toute mouillée quelle que soit la taille, sous peine de ne pas se faire remarquer. »Enfin, Justine dédie son témoignage : « A toutes les filles qui m'ont soutenue, que j'ai entendues et soutenues moi-même, à toutes celles qui doutent et se battent, aux parents qui souffrent, je livre ce témoignage.Le rôle de la société.Ainsi, comme nous l'avons vu précédemment avec le cas de Justine, la société est l'une des cause de l'anorexie : les médias présentent dans leurs revues et autres projections télévisées des top models au corps parfait et posent la maigreur comme critère de beauté. Ceux-ci encouragent les personnes à maigrir afin de leur ressembler, pensant atteindre le bonheur avec un corps parfait. Seulement, ce facteur permet de camoufler les véritables raisons de l'anorexie qui sont souvent psychologiques et bien plus compliquées ! En effet, l'anorexie est une maladie ancienne qui existait déjà bien avant que la mode soit à la minceur. Pour les anorexiques, la façon de montrer sa souffrance c'est d'être presque invisible, le regard de l'autre est recherché en permanence, le rapport de l'anorexique avec son corps est très agressif, l'extrême maigreur sert à choquer, donc à attirer l'attention.L'anorexie vient d'un désordre affectif avec les parents. L'adolescent utilise la nourriture et la souffrance du corps comme un appel au secours. La nourriture devient donc le moyen de revendiquer, c'est plus facile que les mots. Si la nourriture ne sert plus à vivre mais uniquement à communiquer on comprend que ces jeunes se laissent parfois mourir.C'est le fait de s'alimenter qu'ils doivent réapprendre, le but étant de remplacer ce moyen de communication par des mots. Ainsi, nous pouvons dire que la nourriture joue un rôle social très important.

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